Au temps de la remonte...

La Révolution française de 1789-1793 a vidé et confisqué les abbayes, les couvents, les monastères et tous les établissements abritant des congrégations religieuses. En y installant des dépôts d'étalons et des dépôts de remonte militaire, Napoléon 1er en a sauvé un certain nombre entre 1806 et 1814. De très nombreux autres établissements sont devenus des carrières de pierres et ont disparu. Les évolutions stratégiques, politiques et techniques des armées et des haras nationaux font que certains de ces édifices historiques seront progressivement et à nouveau en grand danger. 

Pour accueillir, héberger, dresser, exercer, travailler, présenter des chevaux et loger les hommes qui les choyaient, de tout temps il a fallu construire des arènes, des cirques et donc des écuries. Plus près de nous, le XVIIe siècle leur a construit des palais, le XVIIIe siècle des cours, le XIXe siècle des quartiers, le XXe siècle des sites et des pôles. Le XXIe siècle naissant lui dédie, à nouveau, des stades, des parcs et des complexes.

Quoi qu'il en soit, le cheval, cet animal sauvage contenu par l'homme et, aujourd'hui, surtout par la femme, lui impose, au quotidien, des contraintes, des astreintes, des nuits blanches, des aigreurs et autres esclavages appelés « loisirs ». Mais que deviennent nos écuries de pierre où les étalons de l'État servaient les stratégies militaires ?

Besançon, Blois, Corbigny, Langonnet, Le Bec-Hellouin, Montier-en-Der, Saint-Lô, Villeneuve-sur-Lot, Aurillac, Rodez, Cluny, Charleville, Annecy, Angers, Braisne, Caen, Saintes, Guingamp et bien d'autres... Les effets et les conséquences de la Révolution française de 1789 ont entraîné la chasse aux religieux et la confiscation des monastères, couvents, abbayes, chapelles et oratoires.

Ces immeubles, devenus biens nationaux ou communaux, étaient voués à être exploités en carrières de pierres dans leur très grande majorité lorsque, entre 1797 et 1814, le Général Bonaparte, devenu Premier Consul puis l'Empereur Napoléon Ier en fit investir (et sauver !) une douzaine pour y installer des dépôts d'étalons et autant d'autres pour y loger des dépôts de remonte militaire.

Après visites et expertises de certains sites, il fut très vite décidé qu'un cloître pouvait servir de manège en son centre et de cheminement couvert pour promener les étalons en main en périphérie, voire de boxes en le cloisonnant et en installant des portes dans les arcades. Qu'un réfectoire équipé de bas-flancs devenus stalles pouvait accueillir une vingtaine de chevaux. Que l'église, qui avait été débarrassée de son mobilier et de ses ornements, pouvait servir de grange à fourrage et d'écurie. Que les cellules des moines serviraient de chambres aux palefreniers et le logis des hôtes de logements pour le directeur et les officiers. Les prairies, les bois, les jardins, les puits, les étangs, la rivière et les annexes assureront les compléments d'intendance.

Déjà à Besançon dès 1754, après le rattachement de la Franche-Comté à la France, un premier dépôt d'étalons avait été aménagé dans l'ancien couvent des Dominicains. L'église était équipée de cinq stalles dans l'abside, d'une réserve à fourrage dans le chœur, de deux fois 14 stalles dans la nef et d'une infirmerie de 10 stalles dans l'entrée et le bas de l'édifice. Chacun de ces quatre locaux cloisonnés était judicieusement aménagé dans le travers du bâtiment avec des portes indépendantes percées dans les murs des bas-côtés. Cet établissement, vieillissant et à l'étroit, sera déplacé à Pontarlier, puis à Jussey et enfin dans le quartier de la Butte à Besançon en 1852, sur son site actuel. Agrandi en 1914, incendié en 1946, il sera reconstruit en 1952.

En 1802, Napoléon fait transformer une partie de l'abbaye du Bec-Hellouin (Seine-Maritime) en un dépôt d'étalons, dépendant du Haras du Pin (fig. n°1). Il abritera jusqu'à quelque cinquante étalons. On installa des stalles dans l'église abbatiale et dans le réfectoire mauriste qui, du coup, deviendra la grande écurie. L'intérieur du cloître du XVIIe siècle servira de manège, ses arcades seront cloisonnées et transformées en boxes. On y adjoindra en 1831, dans d'autres locaux, une succursale du dépôt de remonte militaire de Caen.

Après la fermeture du dépôt d'étalons puis du dépôt de remonte militaire du Bec Hellouin, ce qui restera de l'abbaye sera définitivement rendu à des religieux à partir de 1947.